Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/175

Cette page n’a pas encore été corrigée
161
VIE DE VOLTAIRE.


qui déjà était affecté, contracta bientôt un vice incurable.

A peine, dans le long intervalle entre cet accident funeste et sa mort, pouvait-il reprendre sa tête pendant quelques moments de suite, et sortir de la léthargie où il était plongé. C’est pendant un de ces intervalles qu’il écrivit au jeune comte de Lalli, déjà si célèbre par son courage, et qui depuis a mérité de l’être par son éloquence et son patriotisme, ces lignes, les dernières que sa main ait tracées, où il applaudissait à l’autorité royale dont la justice venait d’anéantir un des attentats du despotisme parlementaire. Enfin il expira le 30 de mai 1778.

Grâce aux progrès de la raison et au ridicule répandu sur la superstition, les habitants de Paris sont, tant qu’ils se portent bien, à l’abri de la tyrannie des prêtres ; mais ils y retombent, dès qu’ils sont malades. L’arrivée de Voltaire avait allumé la colère des fanatiques, blessé l’orgueil des chefs de la hiérarchie ecclésiastique ; mais en même temps elle avait inspiré à quelques prêtres l’idée de bâtir leur réputation et leur fortune sur la conversion de cet illustre ennemi. Sans doute ils ne se flattaient pas de le convaincre, mais ils espéraient le résoudre à dissimuler. Voltaire, qui désirait pouvoir rester à Paris, sans y être troublé par les délations sacerdotales, et qui, par une vieille habitude de sa jeunesse, croyait utile pour l’intérêt même des amis de la raison, que des scènes d’intolérance ne suivissent point ses derniers moments, envoya chercher dès sa première maladie un aumônier des Incurables, qui lui avait offert ses ser-