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VIE DE VOLTAIRE.


vie même, ses lois incertaines préparer des fers à son pays, et ouvrir la porte à la tyrannie.

L'âge n’avait point affaibli l’activité de Voltaire, et les transports de ses compatriotes semblaient la redoubler encore. Il avait formé le projet de réfuter tout ce que le duc de Saint-Simon, dans ses Mémoires encore secrets, avait accordé à la prévention et à la haine, dans la crainte que ces Mémoires, auxquels la probité reconnue de l’auteur, son état, son titre de contemporain, pouvaient donner quelque autorité, ne parussent dans un temps où personne ne fût assez voisin des événements pour défendre la vérité et confondre l’erreur.

En même temps il avait déterminé l’Académie française à faire son Dictionnaire sur un nouveau plan. Ce plan consistait à suivre l’histoire de chaque mot depuis l’époque où il avait paru dans la langue, de marquer les sens divers qu’il avait eus dans les différents siècles, les acceptions différentes qu’il avait reçues ; d’employer, pour faire sentir ces différentes nuances, non des phrases faites au hasard, mais des exemples choisis dans les auteurs qui avaient eu le plus d’autorité. On aurait eu alors le véritable Dictionnaire littéraire et grammatical de la langue ; les étrangers, et même les Français, y auraient appris à en connaître toutes les finesses.

Ce Dictionnaire aurait offert aux gens de lettres une lecture instructive qui eût contribué à former le goût, qui eût arrêté les progrès de la corruption. Chaque académicien devait se charger d’une lettre de l’alphabet. Voltaire avait pris l’A ; et pour exciter