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VIE DE VOLTAIRE.


c’était au bien qu’il avait fait que s’adressait cet hommage. Un grand poëte n’aurait eu que des applaudissements, les larmes coulaient sur le philosophe qui avait brisé les fers de la raison et vengé la cause de l’humanité.

L’âme sublime et passionnée de Voltaire fut attendrie de ces tributs de respect et de zèle. On veut me faire mourir de plaisir, disait-il ; mais c’était le cri de la sensibilité, et non l’adresse de l’amour-propre. Au milieu des hommages de l’Académie française, il était frappé surtout de la possibilité d’y introduire une philosophie plus hardie. On me traite mieux que je ne mérite, me disait-il un jour. Savez-vous que je ne désespère point de faire proposer l'éloge de Coligny ?

Il s’occupait, pendant les représentations d'Irène, à revoir son Essai sur les mœurs et l’esprit des Nations, et à y porter de nouveaux coups au fanatisme. Au milieu des acclamations du théâtre, il avait observé, avec un plaisir secret, que les vers les plus applaudis étaient ceux où il attaquait la superstition et les noms qu’elle a consacrés. C’était vers cet objet qu’il reportait tout ce qu’il recevait d’hommages. Il voyait dans l’admiration générale, la preuve de l’empire qu’il avait exercé sur les esprits, de la chute des préjugés, qui était son ouvrage.

Paris possédait en même temps le célèbre Franklin qui, dans un autre hémisphère, avait été aussi l’apôtre de la philosophie et de la tolérance. Comme Voltaire, il avait souvent employé l’arme de la plaisanterie qui corrige la folie humaine, et apprend à en voir la perversité comme une folie plus funeste,