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VIE DE VOLTAIRE.

vent complice de ses envieux. M. de Villette venait d’épouser à Ferney mademoiselle de Varicour, d’une famille noble du pays de Gex, que ses parents avaient confiée à madame Denis : Voltaire les suivit à Paris, séduit en partie par le désir de faire jouer devant lui la tragédie d'Irène qu’il venait d’achever. Le secret avait été gardé. La haine n’avait pas eu le temps de préparer ses poisons, et l’enthousiasme public ne lui permit pas de se montrer. Une foule d’hommes, de femmes de tous les rangs, de toutes les professions, à qui ses vers avaient fait verser de douces larmes, et qui avaient tant de fois admiré son génie sur la scène et dans ses ouvrages, qui lui devaient leur instruction, dont il avait guéri les préjugés, à qui il avait inspiré une partie de ce zèle contre le fanatisme, dont il était dévoré, brûlaient du désir de voir le grand homme qu’ils admiraient. La jalousie se tut devant une gloire qu’il était impossible d’atteindre, devant le bien qu’il avait fait aux hommes. Le ministère, l’orgueil épiscopal furent obligés de respecter l’idole de la nation. L’enthousiasme avait passé jusque dans le peuple ; on s’arrêtait devant ses fenêtres ; on y passait des heures entières, dans l’espérance de le voir un moment ; sa voiture, forcée d’aller au pas, était entourée d’une foule nombreuse qui le bénissait et célébrait ses ouvrages.

L’Académie française, qui ne l’avait adopté qu’à cinquante-deux ans, lui prodigua les honneurs, et le reçut moins comme un égal que comme le souverain de l’empire des lettres. Les enfants de ces courtisans orgueilleux qui l’avaient vu avec indignation vivre