peuvent comparer ces louanges à celles qu’il donnait
à M. Turgot, surtout à cette Épître à un homme
qu’il lui adressa au moment de sa disgrâce : ils distingueront alors l’admiration sentie de ce qui n’est
qu’un compliment, et ce qui vient de l’âme, de ce
qui n’est qu’un jeu d’imagination ; ils verront que
Voltaire n’a eu d’autre tort que d’avoir cru pouvoir
traiter les gens en place comme les femmes. On prodigue
à toutes à peu près les mêmes louanges et les
mêmes protestations ; et le ton seul distingue ce
qu’on sent, de ce qu’on accorde à la galanterie.
Voltaire encensant les rois, les ministres, pour les attirer à la cause de la vérité, et Voltaire célébrant le génie et la vertu, n’a pas le même langage. Ne veut-il que louer, il prodigue les charmes de son imagination brillante, il multiplie ces idées ingénieuses qui lui sont si familières ; mais rend-il un hommage avoué par son cœur, c’est son âme qui s’échappe, c’est sa raison profonde qui prononce. Dans son voyage à Paris, son admiration pour M. Turgot perçait dans tous ses discours ; c’était l’homme qu’il opposait à ceux qui se plaignaient à lui de la décadence de notre siècle, c’était à lui que son âme accordait son respect. Je l’ai vu se précipiter sur ses mains, les arroser de ses larmes, les baiser malgré ses efforts, et s’écriant d’une voix entrecoupée de sanglots : Laissez-moi baiser cette main qui a signé le salut du peuple.
Depuis longtemps Voltaire désirait de revoir sa patrie et de jouir de sa gloire au milieu du même peuple témoin de ses premiers succès, et trop sou-