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VIE DE VOLTAIRE.


le sort de celui de Paris ; d’autres consentirent à rester, et sacrifièrent une partie de leurs membres. Tout se tut devant l’autorité, et il ne manqua au succès des ministres que l’opinion publique qu’ils bravaient, et qui, au bout de quelques années, eut le pouvoir de les détruire.

Voltaire haïssait le parlement de Paris, et aimait le duc de Choiseul ; il voyait dans l’un un ancien persécuteur que sa gloire avait aigri et n’avait pas désarmé ; dans l’autre, un bienfaiteur et un appui. Il fut fidèle à la reconnaissance, et constant dans ses opinions. Dans toutes ses lettres, il exprime ses sentiments pour le duc de Choiseul avec franchise, avec énergie ; et il n’ignorait pas que ses lettres (grâce à l’infâme usage de violer la foi publique) étaient lues par les ennemis du ministre exilé. Un joli conte, intitulé Barinécide [1], est le seul monument durable de l’intérêt que cette disgrâce avait excité. L’injustice avec laquelle les amis ou les partisans du ministre l’accusèrent d’ingratitude, fut un des chagrins les plus vifs que Voltaire ait éprouvés. Il le fut d’autant plus, que le ministre partagea cette injustice. En vain Voltaire tenta de le désabuser ; il invoqua vainement les preuves qu’il donnait de son attachement et de ses regrets.

Je l’ai dit à la terre, au ciel, à Gusman même,

écrivait-il dans sa douleur. Mais il ne fut pas entendu.

  1. L'épitre de Benaldaki à Caramonftée. Voltaire, volume d'Épitres.