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VIE DE VOLTAIRE.


des obstacles, lorsque, forcé de remplacer les tribunaux qu’il voulait détruire, la force devenait inutile, et la confiance nécessaire.

Cependant la barbarie des lois criminelles, les vices révoltants des lois civiles, offraient aux auteurs de la révolution un moyen sûr de regagner l’opinion, et de donner à ceux qui consentiraient à remplacer les parlements, une excuse que l’honneur et le patriotisme auraient pu avouer hautement. Les ministres dédaignèrent ce moyen. Le parlement s’était rendu odieux à tous les hommes éclairés, par les obstacles qu’il opposait à la liberté d’écrire, par son fanatisme, dont le supplice récent du chevalier de la Barre était un exemple aux yeux de l’Europe entière. Mais, irrité des libelles publiés contre lui, effrayé des ouvrages où l’on attaquait ses principes, jaloux enfin de se faire un appui du clergé, le chancelier se plut à charger de nouvelles chaînes la liberté d’imprimer. La mémoire de la Barre ne fut pas réhabilitée ; son ami ne put obtenir une révision qui eût couvert d’opprobre ceux à qui le chef de la justice était pourtant si intéressé à ravir la faveur publique. La procédure criminelle subsista dans toute son horreur ; et cependant huit jours auraient suffi pour rédiger une loi qui aurait supprimé la peine de mort, si cruellement prodiguée, aboli toute espèce de torture, proscrit les supplices cruels ; qui aurait exigé une grande pluralité pour condamner, admis un certain nombre de récusations sans motif, accordé aux accusés le secours d’un conseil ; qui, enfin, leur aurait assuré la faculté de connaître et