étaient négligés. On refusait à un fils la permission
d’embrasser son père mourant ; on retenait un homme
dans un lieu insalubre, où il ne pouvait appeler sa
famille sans l’exposer à partager ses dangers ; un malade
obtenait avec peine la liberté de chercher dans
la capitale des secours qu’elle seule peut offrir. Un
gouvernement absolu, s’il montre de la crainte, annonce
ou la défiance de ses forces, ou l’incertitude
du monarque, ou l’instabilité des ministres, et par
là il encourage à la résistance. Et l’on montrait cette
crainte en faisant dépendre le retour des exilés d’un
consentement inutile dans l’opinion de ceux même
qui l’exigeaient.
Une opération salutaire ne change point de nature, si elle est exécutée avec dureté ; mais alors l’homme honnête et éclairé qui l’approuve, s’il se croit obligé de la défendre, ne la défend qu’à regret ; son âme révoltée n’a plus ni zèle, ni chaleur pour un parti que ses chefs déshonorent. Ceux qui manquent de lumières passent, de la haine pour le ministre, à l’aversion des mesures qu’il soutient par l’oppression ; et la voix publique condamne ce que, laissée à elle-même, elle eût peut-être approuvé.
Le grand nombre des magistrats que cette révolution privait de leur état, le mérite et les vertus de quelques-uns, la foule des ministres subalternes de la justice liés à leur sort par honneur et par intérêt, ce penchant naturel qui porte les hommes à s’unir à la cause des persécutés, la haine non moins naturelle pour le pouvoir : tout devait à la fois rendre odieuses les opérations du ministère, et lui susciter