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VIE DE VOLTAIRE.


éclairés sur le droit naturel, se regardaient comme des souverains, dont les natifs n’étaient que des sujets qu’ils se croyaient en droit de soumettre à cette même autorité arbitraire à laquelle ils trouvaient leurs magistrats si coupables de prétendre.

Voltaire fit donc un poëme où il répandit le ridicule sur tous les partis, et auquel on ne peut reprocher que des vers contre Rousseau, dictés par une colère dont la justice des motifs qui l’inspiraient ne peut excuser ni l’excès, ni les expressions. Mais lorsque, dans un tumulte, les citoyens eurent tué quelques natifs, il s’empressa de recueillir à Ferney les familles que ces troubles forcèrent d’abandonner Genève ; et dans le moment où la banqueroute de l’abbé Terray, qui n’avait pas même l’excuse de la nécessité, et qui ne servit qu’à faciliter des dépenses honteuses, venait de lui enlever une partie de sa fortune, on le vit donner des secours à ceux qui n’avaient pas de ressources, bâtir pour les autres des maisons qu’il leur vendit à bas prix et en rentes viagères, en même temps qu’il sollicitait pour eux la bienfaisance du gouvernement, qu’il employait son crédit auprès des souverains, des ministres, des grands de toutes les nations, pour procurer du débit à cette manufacture naissante d’horlogerie, qui fut bientôt connue de toute l’Europe.

Cependant le gouvernement s’occupait d’ouvrir aux Genevois un asile à Versoy, sur les bords du lac. Là devait s’établir une ville où l’industrie et le commerce seraient libres, où un temple protestant s'élèverait vis-à-vis d'une église catholique. Voltaire