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VIE DE VOLTAIRE.

On parla donc de remettre en vigueur les lois qui défendaient aux catholiques d’avoir du bien dans le territoire genevois ; on reprocha aux magistrats leurs liaisons avec Voltaire, qui avait osé s’élever contre l’assassinat barbare de Servet, commandé au nom de DIEU par Calvin aux lâches et superstitieux sénateurs de Genève. Voltaire fut obligé de renoncer à sa maison des Délices.

Bientôt après, Rousseau établit dans Émile des principes qui révélaient aux citoyens de Genève toute l’étendue de leurs droits, et qui les appuyaient sur des vérités simples que tous les hommes pouvaient sentir, que tous devaient adopter. Les aristocrates voulurent l’en punir. Mais ils avaient besoin d’un prétexte ; ils prirent celui de la religion, et se réunirent aux prêtres, qui, dans tous les pays, indifférents à la forme de la constitution et à la liberté des hommes, promettent les secours du ciel au parti qui favorise le plus leur intolérance, et deviennent, suivant leurs intérêts, tantôt les appuis de la tyrannie d’un prince persécuteur ou d’un sénat superstitieux, tantôt les défenseurs de la liberté d’un peuple fanatique.

Exposé alternativement aux attaques des deux partis, Voltaire garda la neutralité ; mais il resta fidèle à sa haine pour les oppresseurs. Il favorisait la cause du peuple contre les magistrats, et celle des natifs contre les citoyens ; car ces natifs, condamnés à ne jamais partager le droit de cité, se trouvaient plus malheureux depuis que les citoyens, plus instruits des principes du droit politique, mais moins