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VIE DE VOLTAIRE.


Florentin pour l’engager à faire sortir de son diocèse, et par conséquent du royaume, Voltaire, qui faisait alors élever une église à ses frais, et répandait l’abondance dans un pays que la persécution contre les protestants avait dépeuplé. Mais l’évêque prétendait que le seigneur de Ferney avait fait dans l’église, après la messe, une exhortation morale contre le vol, et que les ouvriers employés par lui à construire cette église n’avaient pas déplacé une vieille croix avec assez de respect ; motifs bien graves pour chasser de sa patrie un vieillard qui en était la gloire, et l’arracher d’un asile où l’Europe s’empressait de lui apporter le tribut de son admiration. Le ministre n’eut-il fait que peser les noms et l’existence politique, ne pouvait être tenté de plaire à l’évêque ; mais il avertit Voltaire de se mettre à l’abri de ces délations, que l’union de l’évêque d’Annecy avec des prélats français plus accrédités pouvait rendre dangereuses.

C’est alors qu’il imagina de faire une communion solennelle, qui fut suivie d’une protestation publique de son respect pour l’Église, et de son mépris pour les calomniateurs : démarche inutile, qui annonçait plus de faiblesse que de politique, et que le plaisir de forcer son curé à l’administrer par la crainte des juges séculiers, et de dire juridiquement des injures à l’évêque d’Annecy, ne put excuser aux yeux de l’homme libre et ferme qui pèse de sang-froid les droits de la vérité, et ce qu’exige la prudence lorsque des lois contraires à la justice naturelle rendent la vérité dangereuse et la prudence nécessaire.

Les prêtres perdirent le petit avantage qu’ils au-