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VIE DE VOLTAIRE.

nua sa maison, s’assura de fonds disponibles avec lesquels il pouvait s’établir dans une nouvelle retraite. Tel avait toujours été son but secret dans ses arrangements de fortune. Pour lui faire éprouver le besoin et lui ravir son indépendance, il aurait fallu une conjuration entre les puissances de l’Europe. Il avait parmi ses débiteurs des princes et des grands qui ne payaient pas avec exactitude ; mais il avait calculé les degrés de la corruption humaine, et il savait que ces mêmes hommes, peu délicats en affaires, sauraient trouver de quoi le payer dans le moment d’une persécution où leur négligence les rendrait l’objet de l’horreur et du mépris de l’Europe indignée.

Cette persécution parut un moment prête à se déclarer. Ferney est situé dans le diocèse de Genève, dont l’évêque titulaire siège dans la petite ville d’Annecy. François de Sales, qu’on a mis au rang des saints, ayant eu cet évêché, l’on avait imaginé que, pour ne pas scandaliser les hérétiques dans leur métropole, il ne fallait plus confier cette place qu’à un homme à qui l’on ne pût reprocher l’orgueil, le luxe, la mollesse, dont les protestants accusent les prélats catholiques. Mais, depuis longtemps, il était difficile de trouver des saints qui, avec de l’esprit ou de la naissance, daignassent se contenter d’un petit siège. Celui qui occupait le siège d’Annecy en 1767 était un homme du peuple, élevé dans un séminaire de Paris, où il ne s’était distingué que par des mœurs austères, une dévotion minutieuse et un fanatisme imbécile. Il écrivit au comte de Saint-