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VIE DE VOLTAIRE.

Cet arrêt révolta tous les esprits. Aucune loi ne prononçait la peine de mort, ni pour le bris d’images, ni pour les blasphèmes de ce genre ; ainsi les juges avaient été même au delà des peines portées par des lois que tous les hommes éclairés ne voyaient qu’avec horreur souiller encore notre code criminel. Il n’y avait point de père de famille qui ne dût trembler puisqu'il y a peu de jeunes gens auxquels il n’échappe de semblables indiscrétions ; et les juges condamnaient à une mort cruelle, pour des discours que la plupart d’entre eux s’étaient permis dans leur jeunesse, que peut-être ils se permettaient encore, et dont leurs enfants étaient aussi coupables que celui qu’ils condamnaient.

Voltaire fut indigné et en même temps effrayé. On avait adroitement placé le Dictionnaire philosophique au nombre des livres devant lesquels on disait que le chevalier de la Barre s’était prosterné. On voulait faire entendre que la lecture des ouvrages de Voltaire avait été la cause de ces étourderies transformées en impiétés. Cependant le danger ne l’empêcha point de prendre la défense de ces victimes du fanatisme. D’Étallonde, réfugié à Wesel, obtint, à sa recommandation, une place dans un régiment prussien. Plusieurs ouvrages imprimés instruisirent l’Europe des détails de l’affaire d’Abbeville ; et les juges furent effrayés, sur leur tribunal même, du jugement terrible qui les arrachait à leur obscurité, pour les dévouer à une honteuse immortalité.

Le rapporteur de Lalli, accusé d’avoir contribué à