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VIE DE VOLTAIRE.


qui occupaient les premières places dans le parlement et dans le conseil. Son espérance fut trompée : la famille craignit d’attirer les regards du public sur ce procès, au lieu de chercher un appui dans l’opinion ; et à l’âge d’environ dix-sept ans, il fut condamné, par la pluralité de deux voix, à avoir la tète tranchée, après avoir eu la langue coupée, et subi les tourments de la question.

Cette horrible sentence fut exécutée ; et cependant les accusations étaient aussi ridicules que le supplice était atroce. Il n’était que véhémentement soupçonné d’avoir eu part à l’aventure du crucifix. Mais on le déclarait convaincu d’avoir chanté, dans des parties de débauche, quelques-unes de ces chansons moitié obscènes, moitié religieuses, qui, malgré leur grossièreté, amusent l’imagination dans les premières années de la jeunesse, par leur contraste avec le respect ou le scrupule que l’éducation inspire à l’égard des mêmes objets ; d’avoir récité une ode dont l’auteur, connu publiquement, jouissait alors d’une pension sur la cassette du roi ; d’avoir fait des génuflexions en passant devant quelques-uns de ces ouvrages libertins qui étaient à la mode dans un temps où les hommes, égarés par l’austérité de la morale religieuse, ne savaient pas distinguer la volupté de la débauche ; on lui reprochait enfin d’avoir tenu des discours dignes de ces chansons et de ces livres.

Toutes ces accusations étaient appuyées sur le témoignage de gens du peuple qui avaient servi ces jeunes gens dans leurs parties de plaisir, ou de tourières de couvent faciles à scandaliser.