cherchaient à mériter ses éloges, le secondaient quelquefois dans sa bienfaisance. Dans tous pays, les
grands, les ministres qui prétendaient à la gloire, qui
voulaient occuper l’Europe de leur nom, briguaient
le suffrage du philosophe de Ferney, lui confiaient
leurs espérances ou leurs craintes pour le progrès de
la raison, leurs projets pour l’accroissement des lumières et la destruction du fanatisme. Il avait formé
dans l’Europe entière une ligue dont il était l’âme,
et dont le cri de ralliement était raison et tolérance.
S’exerçait-il chez une nation quelque grande injustice,
apprenait-on quelque acte de fanatisme, quelque
insulte faite à l’humanité, un écrit de Voltaire
dénonçait les coupables à l'Europe. Et qui sait combien
de fois la crainte de cette vengeance sûre et
terrible a pu arrêter le bras des oppresseurs !
C’était surtout en France qu’il exerçait ce ministère de la raison. Depuis l’affaire des Calas, toutes les victimes injustement immolées ou poursuivies par le fer des lois, trouvaient en lui un appui ou un vengeur.
Le supplice du comte de Lalli excita son indignation. Des jurisconsultes jugeant à Paris la conduite d’un général dans l’Inde ; un arrêt de mort prononcé sans qu’il eût été possible de citer un seul crime déterminé, et de plus, annonçant un simple soupçon sur l’accusation la plus grave ; un jugement rendu sur le témoignage d’ennemis déclarés, sur les mémoires d’un jésuite qui en avait composé deux contradictoires entre eux, incertain s’il accuserait le général ou ses ennemis, ne sachant qui il haïssait le plus, ou