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VIE DE VOLTAIRE.

Les libres penseurs, qui n’existaient auparavant que dans quelques villes où les sciences étaient cultivées, et parmi les littérateurs, les savants, les grands, les gens en place, se multiplièrent à sa voix dans toutes les classes de la société, comme dans tous les pays. Bientôt, connaissant leur nombre et leurs forces, ils osèrent se montrer, et l’Europe fut étonnée de se trouver incrédule.

Cependant ce même zèle faisait à Voltaire des ennemis de tous ceux qui avaient obtenu ou qui attendaient de cette religion leur existence ou leur fortune. Mais ce parti n’avait plus de Bossuet, d’Arnaud, de Nicole : ceux qui les remplaçaient par le talent, dans la philosophie ou dans les lettres, avaient passé dans le parti contraire ; et les membres du clergé qui leur étaient le moins inférieurs, cédant à l’intérêt de ne point se perdre dans l’opinion des hommes éclairés, se tenaient à l’écart, ou se bornaient à soutenir l’utilité politique d’une croyance qu’ils auraient été honteux de paraître partager avec le peuple, et substituaient à la superstition crédule de leurs prédécesseurs une sorte de machiavélisme religieux.

Les libelles, les réfutations paraissaient en foule ; mais Voltaire seul, en y répondant, a pu conserver le nom de ces ouvrages, lus uniquement par ceux à qui ils étaient inutiles, et qui ne voulaient ou ne pouvaient entendre ni les objections, ni les réponses.

Aux cris des fanatiques. Voltaire opposait les bontés des souverains. L’impératrice de Russie, le roi de Prusse, ceux de Pologne, de Danemark et de Suède s’intéressaient à ses travaux, lisaient ses ouvrages,