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VIE DE VOLTAIRE.


semblait doubler son activité et ses forces. Je suis las, disait-il un jour, de leur entendre répéter que douze hommes ont suffi pour établir le christianisme, et j'ai envie de leur prouver qu’il n’en faut qu’un pour le détruire.

La critique des ouvrages que les chrétiens regardent comme inspirés, l’histoire des dogmes qui, depuis l’origine de cette religion, se sont successivement introduits, les querelles ridicules ou sanglantes qu’ils ont excitées, les miracles, les prophéties, les contes répandus dans les historiens ecclésiastiques et les légendaires, les guerres religieuses, les massacres ordonnés au nom de Dieu, les bûchers, les échafauds couvrant l’Europe à la voix des prêtres, le fanatisme dépeuplant l’Amérique, le sang des rois coulant sous le fer des assassins : tous ces objets reparaissaient sans cesse dans tous ses ouvrages sous mille couleurs différentes. Il excitait l’indignation, il faisait couler les larmes, il prodiguait le ridicule. On frémissait d’une action atroce, on riait d’une absurdité. Il ne craignait point de remettre souvent sous les yeux les mêmes tableaux, les mêmes raisonnements. On dit que je me répète, écrivait-il : eh bien, je me répéterai jusqu'à ce qu’on se corrige.

D’ailleurs, ces ouvrages, sévèrement défendus en France, en Italie, à Vienne, en Portugal, en Espagne, ne se répandaient qu’avec lenteur. Tous ne pouvaient parvenir à tous les lecteurs ; mais il n’y avait, dans les provinces, aucun coin reculé, dans les pays étrangers aucune nation écrasée sous le joug de l’intolérance, où il n’en parvînt quelques-uns.