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VIE DE VOLTAIRE.


croyance d’un Dieu pour la morale, et sur l’inutilité de la révélation, qui ne se trouvât dans le poëme de la Loi naturelle ; mais on y avertissait ceux qu’on attaquait, que c’était d’eux que l’on parlait. C’était sous leur nom, et non sous celui des prêtres de l’Inde et du Tibet, qu’on les amenait sur la scène. Cette hardiesse étonna Voltaire, et excita son émulation. Le succès d’Émile l’encouragea, et la persécution ne l’effraya point. Rousseau n’avait été décrété à Paris que pour avoir mis son nom à l’ouvrage ; il n’avait été persécuté à Genève que pour avoir soutenu, dans une autre partie d’Émile, que le peuple ne pouvait renoncer au droit de réformer une constitution vicieuse. Cette doctrine autorisait les citoyens de cette république à détruire l’aristocratie que ses magistrats avaient établie, et qui concentrait une autorité héréditaire dans quelques familles riches.

Voltaire pouvait se croire sûr d’éviter la persécution, en cachant son nom, et en ayant soin de ménager les gouvernements, de diriger tous ses coups contre la religion, d’intéresser même la puissance civile à en affaiblir l’empire. Une foule d’ouvrages où il emploie tour à tour l’éloquence, la discussion, et surtout la plaisanterie, se répandirent dans l’Europe, sous toutes les formes que la nécessité de voiler la vérité, ou de la rendre piquante, a pu faire inventer. Son zèle contre une religion qu’il regardait comme la cause du fanatisme qui avait désolé l’Europe, depuis sa naissance, de la superstition qui l’avait abrutie, et comme la source des maux que ces ennemis de l’humanité continuaient de faire encore,