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VIE DE VOLTAIRE.

Il se préparait alors une grande révolution dans les esprits. Depuis la renaissance de la philosophie, la religion exclusivement établie dans toute l’Europe n’avait été attaquée qu’en Angleterre. Leibnitz, Fontenelle et les autres philosophes moins célèbres, accusés de penser librement, l’avaient respectée dans leurs écrits. Bayle lui-même, par une précaution nécessaire à sa sûreté, avait l’air, en se permettant toutes les objections, de vouloir prouver uniquement que la révélation seule peut les résoudre, et d’avoir formé le projet d’élever la foi en rabaissant la raison. Chez les Anglais, ces attaques eurent peu de succès et de suite. La partie la plus puissante de la nation crut qu’il lui était utile de laisser le peuple dans les ténèbres, apparemment pour que l’habitude d’adorer les mystères de la Bible fortifiât sa foi pour ceux de la constitution ; et ils firent, comme une espèce de bienséance sociale, du respect pour la religion établie. D’ailleurs, dans un pays où la chambre des communes conduit seule à la fortune, et où les membres de cette chambre sont élus tumultuairement par le peuple, le respect apparent pour ses opinions doit être érigé en vertu par tous les ambitieux.

Il avait paru en France quelques ouvrages hardis ; mais les attaques qu’ils portaient n’étaient qu’indirectes. Le livre même de l’Esprit n’était dirigé que contre les principes religieux en général ; il attaquait toutes les religions par leur base, et laissait aux lecteurs le soin de tirer les conséquences et de faire les applications. Émile parut : la profession de foi du vicaire savoyard ne contenait rien sur l’utilité de la