destruction des jésuites. Voltaire, élevé par eux, avait
conservé des relations avec ses anciens maîtres ; tant
qu’ils vécurent, ils empêchèrent leurs confrères de
se déchaîner ouvertement contre lui ; et Voltaire ménagea
les jésuites, et par considération pour ces liaisons
de sa jeunesse, et pour avoir quelques alliés
dans le parti qui dominait alors parmi les dévots.
Mais, après leur mort, fatigué des clameurs du
Journal de Trévoux qui, par d’éternelles accusations
d’impiété, semblait appeler la persécution sur sa
tète, il ne garda plus les mêmes ménagements, et
son zèle pour la défense des opprimés ne s’étendit
point jusque sur les jésuites.
Il se réjouit de la destruction d’un ordre ami des lettres, mais ennemi de la raison, qui eut voulu étouffer tous les talents, ou les attirer dans son sein pour les corrompre, en les employant à servir ses projets, et tenir le genre humain dans l’enfance pour le gouverner. Mais il plaignit les individus traités avec barbarie par la haine des jansénistes, et retira chez lui un jésuite, pour montrer aux dévots que la véritable humanité ne connaît que le malheur, et oublie les opinions. Le père Adam, à qui son séjour à Ferney donna une sorte de célébrité, n’était pas absolument inutile à son hôte ; il jouait avec lui aux échecs, et y jouait avec assez d’adresse pour cacher quelquefois sa supériorité. Il lui épargnait des recherches d’érudition ; il lui servait même d’aumônier, parce que Voltaire voulait pouvoir opposer aux accusations d’impiété, sa fidélité à remplir les devoirs extérieurs de la religion romaine.