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VIE DE VOLTAIRE.

ce nom fui alors béni par cette foule de citoyens qui, voués à la persécution depuis quatre-vingts ans, voyaient enfin s’élever une voix pour leur défense. Quand il revint à Paris, en 1778, un jour que le public l’entourait sur le Pont-Royal, on demanda à une femme du peuple qui était cet homme qui traînait la foule après lui : Ne savez-vous pas, dit-elle, que c’est le sauveur des Calas ? Il sut cette réponse, et au milieu de toutes les marques d’admiration qui lui furent prodiguées, ce fut ce qui le toucha le plus.

Peu de temps après la malheureuse mort de Calas, une jeune fille de la même province, qui, suivant un usage barbare, avait été enlevée à ses parents et renfermée dans un couvent, dans l’intention d’aider, par des moyens humains, la grâce de la foi, lassée des mauvais traitements qu’elle y essuyait, s’échappa, et fut retrouvée dans un puits. Le prêtre qui avait sollicité la lettre de cachet, les religieuses qui avaient usé avec barbarie du pouvoir qu’elle leur donnait sur cette infortunée, pouvaient sans doute mériter une punition ; mais c’est sur la famille de la victime que le fanatisme veut la faire tomber. Le reproche calomnieux qui avait conduit Calas au supplice, se renouvelle avec une nouvelle fureur. Sirven a heureusement le temps de se sauver ; et condamné à la mort, par contumace, il va chercher un refuge auprès du protecteur des Calas ; mais sa femme qu’il traîne après lui succombe à sa douleur, à la fatigue d’un voyage entrepris à pied, au milieu des neiges.

La forme obligeait Sirven à se présenter devant ce