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VIE DE VOLTAIRE.


la société qui daignait le recevoir, et désigna clairement Voltaire, en l’accusant d’incrédulité et de mensonge. Bientôt après, Palissot, instrument vénal de la haine d’une femme, met les philosophes sur le théâtre. Les lois qui défendent de jouer les personnes, sont muettes. La magistrature trahit son devoir, et voit, avec une joie maligne, immoler sur la scène les hommes dont elle craint les lumières et le pouvoir sur l’opinion, sans songer qu’en ouvrant la carrière à la satire, elle s’expose à en partager les traits. Crébillon déshonore sa vieillesse, en approuvant la pièce. Le duc de Choiseul, alors ministre en crédit, protège cette indignité par faiblesse pour la même femme dont Palissot servait le ressentiment. Les journaux répètent les insultes du théâtre. Cependant Voltaire se réveille. Le Pauvre Diable, le Russe à Paris, la Vanité, une foule de plaisanteries en prose se succèdent avec une étonnante rapidité.

Le Franc de Pompignan se plaint au roi, se plaint à l’Académie, et voit, avec une douleur impuissante, que le nom de Voltaire y écrase le sien. Chaque démarche multiplie les traits que toutes les bouches répètent, et les vers pour jamais attachés à son nom. Il propose à un protecteur auguste de manquer à ce qu'il s’est promis à lui-même, en retournant à l’Académie pour donner sa voix à un homme auquel le prince s’intéressait ; il n’obtient qu’un refus poli de ce sacrifice, a le malheur, en se retirant, d’entendre répéter, par son protecteur même, ce vers si terrible :

Et l’ami Pompignan pense être quelque chose !