Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/117

Cette page n’a pas encore été corrigée
103
VIE DE VOLTAIRE.


sa gloire, il n’a presque jamais écrit en prose que dans des vues d’utilité générale. Cependant, les mêmes raisons qui l’intéressaient au progrès de l'Encyclopédie, suscitèrent à cet ouvrage une foule d’ennemis. Composé ou applaudi par les hommes les plus célèbres de la nation, il devint comme une espèce de marque qui séparait les littérateurs distingués, et ceux qui s’honoraient d’être leurs disciples ou leurs amis, de cette foule d’écrivains obscurs et jaloux qui, dans la triste impuissance de donner aux hommes ou des vérités nouvelles ou de nouveaux plaisirs, haïssent ou déchirent ceux que la nature a mieux traités.

Un ouvrage où l’on devait parler avec franchise et avec liberté, de théologie, de morale, de jurisprudence, de législation, d’économie publique, devait effrayer tous les partis politiques ou religieux, et tous les pouvoirs secondaires qui craignaient d’y voir discuter leur utilité et leurs titres. L’insurrection fut générale. Le Journal de Trévoux, la Gazette ecclésiastique, les journaux satiriques, les jésuites et les jansénistes, le clergé, les parlements, tous, sans cesser de se combattre ou de se haïr, se réunirent contre l'Encyclopédie. Elle succomba. On fut obligé d’achever et d’imprimer en secret cet ouvrage, à la perfection duquel la liberté et la publicité étaient si nécessaires : et le plus beau monument dont jamais l’esprit humain ait conçu l’idée, serait demeuré imparfait, sans le courage de Diderot, sans le zèle d’un grand nombre de savants et de littérateurs distingués, que la persécution ne put arrêter.