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VIE DE VOLTAIRE.

La margrave de Bareith mourut au milieu de la guerre. Le roi de Prusse écrivit à Voltaire, pour le prier de donner au nom de sa sœur une immortalité dont ses vertus aimables et indulgentes, son âme également supérieure aux préjugés, à la grandeur et aux revers, l’avaient rendu digne. L’ode que Voltaire a consacrée à sa mémoire est remplie d’une sensibilité douce, d’une philosophie simple et touchante. Ce génie est un de ceux où il a eu le moins de succès, parce qu’on y exige une perfection qu’il ne put jamais se résoudre à chercher dans les petits ouvrages, et que sa raison ne pouvait se prêter à cet enthousiasme de commande qu’on dit convenir à l’ode. Celles de Voltaire ne sont que des pièces fugitives où l’on retrouve le grand poète, le poète philosophe, mais gêné et contraint par une forme qui ne convenait pas à la liberté de son génie. Cependant il faut avouer que les stances à une princesse sur le jeu, et surtout ces stances charmantes sur la vieillesse :


Si vous voulez que j’aime encore, etc.


sont des odes anacréontiques fort au-dessus de celles d'Horace, qui cependant, du moins pour les gens d’un goût un peu moderne, a surpassé son modèle.

La France, si supérieure aux autres nations dans la tragédie et la comédie, n’a point été aussi heureuse en poètes lyriques. Les odes de Rousseau n’offrent guère qu’une poésie harmonieuse et imposante, mais vide d’idées ou remplie de pensées fausses. La Motte, plus ingénieux, n’a connu ni l’harmonie,