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VIE DE VOLTAIRE.


ménager la cour, ne se consola point de s’être brouillé avec elle par sa complaisance pour lui ; et le chagrin de cette petite mortification abrégea ses jours. Étant plus jeune, des aventures plus cruelles n’avaient fait que redoubler et enhardir son talent pour l’intrigue, parce que l’espérance le soutenait, et qu’il était du nombre des hommes que le crédit et les dignités consolent de la honte ; mais alors il voyait se rompre le dernier fil qui le liait encore à la faveur.

Voltaire entama une autre négociation, non moins inutile, parle maréchal de Richelieu. Une troisième enfin, quelques années plus tard, fut conduite jusqu’à obtenir de M. de Choiseul qu’il recevrait un envoyé secret du roi de Prusse. Cet envoyé fut découvert par les agents de l’impératrice-reine ; et, soit faiblesse, soit que M. de Choiseul eût agi sans consulter madame de Pompadour, il fut arrêté et ses papiers fouillés : violation du droit des gens, qui se perd dans la foule des petits crimes que les politiques se permettent sans remords.

Dans cette époque si dangereuse et si brillante pour le roi de Prusse, Voltaire paraissait tantôt reprendre son ancienne amitié, tantôt ne conserver que la mémoire de Francfort. C’est alors qu’il composa ces mémoires singuliers [1], où le souvenir profond d’un juste ressentiment n’étouffe ni la gaieté, ni la justice. Il les avait généreusement condamnés à l’oubli ; le hasard les a conservés pour venger le génie des attentats du pouvoir.

  1. On les a insérés dans le tome LXX des Œuvres de Voltaire, à la suite de cette Vie.