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VIE DE VOLTAIRE.


apprendrait à exercer sa raison dans son indépendance naturelle, sans laquelle elle n’est plus que l’instrument servile des préjugés ; on y apprendrait enfin à mépriser la superstition, à craindre le fanatisme, à détester l’intolérance, à haïr la tyrannie sans cesser d’aimer la paix, et cette douceur de mœurs aussi nécessaire au bonheur des nations que la sagesse même des lois.

Jusqu’ici, dans l’éducation publique ou particulière, également dirigées par des préjugés, les jeunes gens n’apprennent l’histoire que défigurée par des compilateurs vils ou superstitieux. Si depuis la publication de l'Essai de Voltaire, deux hommes, l’abbé de Condillac et l’abbé Millot, ont mérité de n’être pas confondus dans cette classe, gênés par leur état, ils ont trop laissé à deviner ; pour les bien entendre, il faut n’avoir plus besoin de s’instruire avec eux.

Cet ouvrage plaça Voltaire dans la classe des historiens originaux, et il a l’honneur d’avoir fait, dans la manière d’écrire l’histoire, une révolution dont, à la vérité, l’Angleterre a presque seule profité jusqu’ici. Hume, Robertson, Gibbon, Watson, peuvent, à quelques égards, être regardés comme sortis de son école. L’histoire de Voltaire a encore un autre avantage : c’est qu’elle peut être enseignée en Angleterre comme en Russie, en Virginie comme à Berne ou à Venise. Il n’y a placé que ces vérités dont tous les gouvernements peuvent convenir : qu’on laisse à la raison humaine le droit de s’éclairer, que le citoyen jouisse de sa liberté naturelle, que les lois soient