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VIE DE VOLTAIRE.

Ces préjugés, que des corps puissants étaient intéressés à répandre, ne sont pas encore détruits. L’habitude de voir presque toujours la lourdeur réunie à l’exactitude, de trouver à côté des décisions de la critique l’échafaudage insipide employé pour les former, a fait prendre celle de ne regarder comme exact que ce qui porte l’empreinte de la pédanterie. On s’est accoutumé à voir l’ennui accompagner la fidélité historique, comme à voir les hommes de certaines professions porter des couleurs lugubres. D’ailleurs, les gens d’esprit ne tirent aucune vanité d’un mérite que des sots peuvent partager avec eux ; et on croit qu’ils ne l’ont point, parce qu’ils sont les seuls à ne pas s’en vanter. Les Voyages du jeune Anacharsis détruiront peut-être cette opinion trop accréditée.

Mais l'Essai de Voltaire sera toujours, pour les hommes qui exercent la raison, une lecture délicieuse, par le choix des objets que l’auteur a présentés, par la rapidité du style, par l’amour de la vérité et de l’humanité qui en anime toutes les pages, par cet art de présenter des contrastes piquants, des rapprochements inattendus, sans cesser d’être naturel et facile, d’offrir, dans un style toujours simple, de grands résultats et des idées profondes. Ce n’est pas l’histoire des siècles que l’auteur a parcourue, mais ce qu’on aurait voulu retenir de la lecture de l’histoire, ce qu’on aimerait à s’en rappeler.

En même temps peu de livres seraient plus utiles dans une éducation raisonnable. On y apprendrait, avec les faits, l’art de les voir et de les juger ; on y