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VIE DE VOLTAIRE.


que le nom seul de philosophe rebute ou attriste, et que cependant il est important d’arracher aux préjugés, et d’opposer au grand nombre de ceux qui sont intéressés à les défendre. Le genre humain serait condamné à d’éternelles erreurs, si, pour l’en affranchir, il fallait étudier ou méditer les preuves de la vérité. Heureusement la justesse naturelle de l’esprit y peut suppléer pour les vérités simples, qui sont aussi les plus nécessaires. Il suffit alors de trouver un moyen de fixer l’attention des hommes inappliqués, et surtout de graver ces vérités dans leur mémoire. Telle est la grande utilité des romans philosophiques, et le mérite de ceux de Voltaire, où il a surpassé également et ses imitateurs et ses modèles.

Une traduction libre de l'Ecclésiaste, et d’une partie du Cantique des Cantiques, suivit de près Candide.

On avait persuadé à madame de Pompadour qu’elle ferait un trait de politique profonde en prenant le masque de la dévotion ; que par là elle se mettrait à l’abri des scrupules et de l’inconstance du roi, et qu’en même temps elle calmerait la haine du peuple. Elle imagina de faire de Voltaire un des acteurs de cette comédie. Le duc de la Vallière lui proposa de traduire les Psaumes et les ouvrages sapientiaux ; l’édition aurait été faite au Louvre, et l’auteur serait revenu à Paris sous la protection de la dévote favorite. Voltaire ne pouvait devenir hypocrite, pas même pour être cardinal, comme on lui en fit entrevoir l’espérance à peu près, dans le