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VIE DE VOLTAIRE.

donner réciproquement leurs erreurs, et celui des souverains, d’empêcher, par une sage indifférence, ces vaines opinions, appuyées par le fanatisme et par l’hypocrisie, de troubler la paix de leurs peuples : tel est l’objet du poëme de la Loi naturelle.

Ce poëme, le plus bel hommage que jamais l’homme ait rendu à la Divinité, excita la colère des dévots, qui l’appelaient le poëme de la Religion naturelle, quoiqu’il n’y fût question de religion que pour combattre l’intolérance, et qu’il ne puisse exister de religion naturelle. Il fut brûlé par le parlement de Paris, qui commençait à s’effrayer des progrès de la raison autant que de ceux du molinisme. Conduit, à cette époque, par quelques chefs, ou aveuglés par l’orgueil, ou égarés par une fausse politique, il crut qu’il lui serait plus facile d’arrêter les progrès des lumières que de mériter les suffrages des hommes éclairés. Il ne sentit pas le besoin qu’il avait de l’opinion publique, ou méconnut ceux à qui il était donné de la diriger, et se déclara l’ennemi des gens de lettres, précisément à l’instant où le suffrage des gens de lettres français commençait à exercer quelque influence sur la France même, et sur l’Europe.

Cependant le poëme de Voltaire, commenté depuis dans plusieurs livres célèbres, est encore celui où la liaison de la morale avec l’existence d’un Dieu est exposée avec le plus de force et de raison ; et, trente ans plus tard, ce qui avait été brûlé comme impie, eût paru presque un ouvrage religieux.

Dans le poëme sur le Désastre de Lisbonne, Vol-