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VIE DE VOLTAIRE.


s’est rendue exclusivement l'interprète de la justice céleste, alors on ne verra dans l’auteur de la Pucelle que l’ennemi de l’hypocrisie et de la superstition.

Voltaire, lui-même, en parlant de la Fontaine, a remarqué, avec raison, que des ouvrages où la volupté est mêlée à la plaisanterie, amusent l’imagination sans l’échauffer et sans la séduire ; et si des images voluptueuses et gaies sont pour l’imagination une source de plaisirs qui allègent le poids de l’ennui, diminuent le malheur des privations, délassent un esprit fatigué par le travail, remplissent des moments que l’âme abattue ou épuisée ne peut donner ni à l’action, ni à une méditation utile, pourquoi priver les hommes d’une ressource que leur offre la nature ? Quel effet résultera-t-il de ces lectures ? aucun, sinon de disposer les hommes à plus de douceur et d’indulgence. Ce n’étaient point de pareils livres que lisaient Gérard ou Clément, et que les satellites de Cromwell portaient à l’arçon de leur selle.

Deux ouvrages bien différents parurent à la même époque, le poëme sur la Loi naturelle, et celui de la Destruction de Lisbonne. Exposer la morale dont la raison révèle les principes à tous les hommes, dont ils trouvent la sanction au fond de leur cœur, et à laquelle le remords les avertit d’obéir ; montrer que cette loi générale est la seule qu’un Dieu, père commun des hommes, ait pu leur donner, puisqu’elle est la seule qui soit la même pour tous ; prouver que le devoir des particuliers est de se par-