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VIE DE VOLTAIRE.

Ils ne réussirent qu’à troubler un moment le repos de celui qu’ils voulaient perdre. Ses amis détournèrent la persécution, en prouvant que l’ouvrage était falsifié ; et la haine des éditeurs le servit malgré eux.

Mais cette infidélité l’obligea d’achever la Pucelle et de donner au public un poème dont l’auteur de Mahomet et du Siècle de Louis XIV n’eût plus à rougir. Cet ouvrage excita un enthousiasme très-vif dans une classe nombreuse de lecteurs, tandis que les ennemis de Voltaire affectèrent de le décrier comme indigne d’un philosophe, et presque comme une tache pour les œuvres et même pour la vie du poète.

Mais, si l’on peut regarder comme utile le projet de rendre la superstition ridicule aux yeux des hommes livrés à la volupté, et destinés, par la faiblesse même qui les entraîne au plaisir, à devenir un jour les victimes infortunées ou les instruments dangereux de ce vil tyran de l’humanité ; si l’affectation de l’austérité dans les mœurs, si le prix excessif attaché à leur pureté, ne fait que servir les hypocrites qui, en prenant le masque facile de la chasteté, peuvent se dispenser de toutes les vertus, et couvrir d’un voile sacré les vices les plus funestes à la société, la dureté de cœur et l’intolérance ; si, en accoutumant les hommes à regarder comme autant de crimes, des fautes dont ceux qui ont de l’honneur et de la conscience ne sont pas exempts, on étend sur les âmes, même les plus pures, le pouvoir de cette caste dangereuse qui, pour gouverner et troubler la terre,