qu’elles blessent l’opinion commune de la société,
dont il faut ménager les erreurs générales, si l’on
ne veut pas renoncer aux agréments qu’elle procure.
Cette condescendance presque nécessaire
perpétue une foule de petits préjugés, la plupart
peu importants s’ils étaient seuls, mais qui, réunis
ensemble, forment un grand obstacle aux progrès
de la vérité, et entretiennent l’habitude de penser
et de juger d’après autrui.
Nous devons regretter que M. D’Alembert n’ait pas exécuté ce projet ; peu d’hommes auraient pu faire un ouvrage meilleur et plus étendu ; il en est peu qui aient conservé moins de préjugés. Malheureusement la plupart de ceux qui se vantent de n’en plus avoir, en ont seulement abandonné un ou deux des plus grossiers, et tiennent d’autant plus fortement à ceux qui leur restent, qu’ils s’enorgueillissent davantage de la victoire qu’ils ont remportée sur les autres. Combien d’hommes croient dans ce siècle à la philosophie, comme leurs pères ont cru à l’astrologie judiciaire ! et souvent une chimère nouvelle n’a pas d’enthousiastes plus zélés que les fougueux adversaires des vieux préjugés.
Sage sans être timide, alliant la prudence et l’amour de la vérité, M. D’Alembert semblait pouvoir espérer que son repos ne serait pas troublé. L’Encyclopédie en fut l’écueil : un seul article de ce dictionnaire (l’article Genève) lui suscita deux disputes très-vives. Cette ville, que Calvin et Bèze avaient rendue célèbre dans le seizième siècle, était devenue une seconde fois, par le séjour de