nous pouvons savoir certainement sur la métaphysique,
sur la morale, sur les sciences politiques :
peut-être donnait-il à l’esprit humain des limites trop
étroites ; peut-être qu’accoutumé à des vérités démontrées, et formées d’idées simples et déterminées
avec précision, il n’était pas assez frappé des vérités
d’un autre ordre, qui ont pour objet des idées plus
compliquées, et dans la discussion desquelles il
faut même se faire des définitions, et, pour ainsi
dire, des idées nouvelles, parce que les mots employés
dans ces sciences, tirés de la langue vulgaire,
et employés dans le langage commun, n’ont qu’un
sens vague et indéterminé. Peut-être paraissait-il
n’avoir pas assez senti que, dans des sciences dont le
but est d’enseigner comment on doit agir, l’homme
peut, comme dans la conduite de la vie, se contenter
de probabilités plus ou moins fortes, et qu’alors
la véritable méthode consiste moins à chercher des
vérités rigoureusement prouvées, qu’à choisir entre
des propositions probables, et surtout à savoir évaluer
leur degré de probabilité.
L’opinion de M. D’Alembert a le danger de trop resserrer le champ où l’esprit humain peut s’exercer ; de rendre l’ignorance présomptueuse, en lui montrant ce qu’elle ne connaît pas comme impossible à connaître ; enfin, de livrer au doute, à l’incertitude, et par conséquent à des principes vagues et arbitraires, des questions importantes au bonheur de l’humanité ; inconvénient d’autant plus grand, que bien des hommes sont intéressés à faire croire que ces questions ne peuvent avoir de principes fixes,