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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.


sur lesquelles s’exercent la géométrie pure et la mécanique rationnelle ; et son goût pour les sciences semblait suivre absolument la même proportion. Il voulait que les sciences physiques se bornassent à des faits et à des explications calculées ; que pour juger de la réalité d’un phénomène, on vérifiât le fait en lui-même, au lieu de le rejeter d’après une impossibilité apparente ; qu’on ne dit pas d’une chose qui blesse les idées communes, elle est absurde, mais elle n’est pas prouvée. On l’accusait de faire peu de cas des sciences physiques, et cette accusation était injuste ; il ne méprisait que ces systèmes dont les preuves se réduisent à montrer que l’impossibilité absolue n’en est pas encore rigoureusement démontrée ; ces aperçus incertains, qu’on annonce pour de grandes vues ; ces explications appuyées sur des raisonnements vagues, qui pourraient tout au plus conduire à de légères probabilités ; enfin, cet abus du langage scientifique, qui change quelquefois en une science de mots ce qui ne devrait être qu’une science de faits et de calculs. On pourrait croire seulement qu’il a poussé trop loin sa rigueur ; car si ces hypothèses, ces vues, ces explications ne forment point une véritable science, elles servent à multiplier les expériences, les observations, à les montrer sous leurs différentes faces ; elles nous guident dans nos recherches, elles préparent les découvertes, et semblent être l’aurore du jour dont peuvent espérer de jouir les siècles qui nous suivront.

M. D’Alembert réduisait à un petit nombre de vérités générales, de premiers principes, le peu que