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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.


réveiller son génie qui déployait alors toute sa finesse, toute sa profondeur et toute sa fécondité.

C’est ainsi que M. D’Alembert s’était montré, à trente-deux ans, le digne successeur de Newton, en résolvant le problème de la précession des équinoxes, dont la solution confirme, par une preuve victorieuse, la théorie de la gravitation universelle, en se consacrant comme lui à l’étude des lois mathématiques de la nature, et en créant comme lui une science nouvelle, en inventant aussi un nouveau calcul, mais dont personne n’a contesté la découverte à M. D’Alembert, ou n’a voulu la partager.

Tant qu’il n’a été que géomètre, à peine était-il connu dans sa patrie : borné à la société de quelques amis, n’ayant jamais vu, parmi les gens en place, que deux ministres qui, par les agréments de leur esprit, auraient été des particuliers aimables [1] ; réduit au nécessaire le plus simple, mais heureux du plaisir que donne l’étude, et de sa liberté, il avait conservé sa gaieté naturelle dans toute la naïveté de la jeunesse. Content de son sort, il ne désirait ni fortune ni distinctions ; et il n’en avait point obtenu, parce qu’il est plus commode de les accorder à ceux qui les demandent qu’à ceux qui savent les mériter. Sa gaieté, des saillies piquantes, le talent de conter et même de jouer ses contes, de la malice dans le ton avec de la bonté dans le caractère, autant de finesse dans la conversation que de simplicité dans la conduite ; toutes ces qualités, en le rendant, par

  1. MM. d’Argenson.