Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/669

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
657
SUR LES PENSÉES DE PASCAL.


« Qu’il ne s’arrête donc pas à regarder simplement les objets qui l’environnent. Qu’il contemple la nature entière dans sa haute et pleine majesté. Qu’il considère cette éclatante lumière, mise comme une lampe éternelle pour éclairer l’univers. Que la terre lui paraisse comme un point, au prix du vaste tour que cet astre décrit. » (P. 312.)


CONDORCET. La superstition avait-elle dégradé Pascal au point de n’oser penser que c’est la terre qui tourne, et d’en croire plutôt le jugement des Dominicains de Rome, que les preuves de Copernic, de Kepler et de Galilée ?


PASCAL. « Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous, et notre propre être : nous voulons vivre, dans l’idée des autres, d’une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver cet être imaginaire, et négligeons le véritable. Et, si nous avons ou la tranquillité, ou la générosité, ou la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir, afin d’attacher ces vertus à cet être d’imagination : nous les détacherons plutôt de nous pour les y joindre, et nous serions volontiers poltrons, pour acquérir la réputation d’être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être, de n’être pas satisfait de l’un sans l’autre, et de renoncer souvent à l’un pour l’autre. Car qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-là serait infâme. » (P. 325.)


CONDORCET. On n’a point besoin de toute cette métaphysique pour expliquer les effets que produit l’amour de la gloire. Il est impossible à quelqu’un