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SUR LES PENSÉES DE PASCAL.


jusqu’à l’enthousiasme, fut sa seule passion, et la rendit inaccessible à toute autre. Le bonheur du stoïcien consistait dans le sentiment de la force et de la grandeur de son âme ; la faiblesse et le crime étaient donc les seuls maux qui pussent le troubler ; et occupé de se rapprocher des dieux, en faisant du bien aux hommes, il savait mourir quand il ne lui en restait plus à faire. Si donc on peut regarder comme des enthousiastes les sectateurs de cette morale, on ne peut se dispenser de reconnaître, dans son inventeur, un génie profond et une âme sublime.


PASCAL. « La justice est sujette à disputes : la force est très-reconnaissable, et sans dispute. Ainsi, on n’a qu’à donner la force à la justice. Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » (P. 290.)


CONDORCET. Pascal semble se rapprocher ici des idées de Hobbes, et le plus dévot des philosophes de son siècle est, sur la nature du juste et de l’injuste, du même avis que le plus irréligieux.


PASCAL. « Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes ; car il n’obéit qu’à cause qu’il les croit justes. C’est pourquoi il lui faut dire en même temps qu’il y faut obéir, parce qu’elles sont lois, comme il faut obéir aux supérieurs, non parce qu’ils sont justes, mais parce qu’ils sont supérieurs. Par là, toute sédition est prévenue, si on peut faire entendre cela. Voilà tout ce que c’est proprement que la définition de la justice. » (P. 290.)