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ÉLOGE DE PASCAL.

expériences, leur manière de voir la philosophie était absolument opposée. L’un, plein de mépris pour les opinions antiques, commença par les rejeter toutes, en y substituant ce que ses méditations avaient pu lui apprendre. Cette marche hardie devait étonner les hommes, et exciter l’enthousiasme pour qui des révolutions, que le temps n’aurait amenées qu’avec lenteur, sont quelquefois l’ouvrage de peu d’années.

Pascal, au contraire, plein de respect pour les opinions que le temps avait consacrées, ne les abandonnait que lorsqu’il y était forcé par l’évidence même. C’est ainsi qu’il s’obstine à attribuer l’ascension de l’eau ou du mercure à l’horreur du vide ; et quand il se voit obligé de renoncer à cette opinion, il semble en demander pardon : Ce n’est pas, dit-il, sans regret que je m’écarte de ces opinions reçues, je ne le fais qu’en cédant à la force de la vérité qui m’y contraint.

D’ailleurs, bien loin de chercher à contribuer aux progrès de la philosophie nouvelle, il semblait les croire impossibles, et cette philosophie lui paraissait dangereuse[1]. Il craignait que si les sciences naturelles étaient trop estimées et trop approfondies, les bons esprits ne les regardassent comme le seul objet digne de les occuper, et que les hommes ne s’accoutumassent à ne suivre plus que la marche lente et sûre de l’expérience et du calcul.

  1. On a trouvé, dans les papiers de Pascal, la note suivante : Écrire contre ceux qui approfondissent trop les sciences : Descartes.
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