Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/641

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
629
ÉLOGE DE PASCAL.

la nature. Mais la longue mélancolie de Pascal ôte à cette réponse un peu de sa force ; et d’ailleurs il n’y a rien d’extraordinaire, d’absurde même dans les opinions ou dans la conduite, qu’on ne trouvât à justifier par l’exemple de quelques grands hommes.

Nous avons parlé de deux sœurs de Pascal, et de Perrier, son beau-frère, qui exécuta les expériences du Puy-de-Dôme. Une des filles de Perrier fut guérie à Port-Royal d’une manière qui fut regardée comme miraculeuse par les jansénistes.

Cette secte, qui avait Pascal et Arnaud pour chefs, faisait alors des miracles : depuis elle n’a plus produit que des convulsions. La guérison de mademoiselle Perrier fut opérée à Port-Royal dans le temps même où les jésuites excitaient le gouvernement contre cette maison, qu’ils peignaient comme un repaire de séditieux et d’hérétiques, et qui n’était que la retraite de quelques gens de lettres, occupés de travaux utiles à la littérature ou à la religion. Mais ce miracle ne sauva point Port-Royal[1], quelque bien attesté qu’il fût, et cette maison fut détruite, malgré la voix du public, qui croit toujours volontiers aux miracles des gens persécutés[2].

  1. Les réformateurs du seizième siècle ont bouleversé l’Europe entière sans avoir fait un seul miracle. Les jansénistes en ont fait beaucoup, sans pouvoir même exciter la plus petite émeute. Cela prouve combien le progrès des lumières a contribué à la tranquillité publique.
  2. Depuis que l’on a imaginé d’attester juridiquement les miracles, on en a vérifié un grand nombre, et personne n’y a cru, même parmi ceux qui se feraient égorger pour d’autres miracles