Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/627

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
615
ÉLOGE DE PASCAL.


phes une vérité dont la croyance est nécessaire à tous les hommes. Il crut donc qu’il fallait chercher des preuves d’un autre genre, et il pensait de même sur les preuves historiques de la religion chrétienne. Il restait toujours, selon lui, des objections assez fortes pour rendre impossible la conviction de tout homme dont le cœur ne sentirait pas qu’il a besoin d’un Dieu.

C’est dans la connaissance de l’homme qu’on doit trouver ces preuves palpables, et qui doivent parler au cœur de tous les hommes. Pascal s’était souvent plaint, dans ses profondes spéculations géométriques, de ne pouvoir faire partager à personne l’intérêt qu’elles lui inspiraient. Quand il se mit à étudier l’homme, il trouva qu’il y avait encore plus de gens qui étudiaient la géométrie qu’il n’y en avait qui s’étudiaient eux-mêmes. Il fut aisé à Pascal de prouver combien l’homme est faible et corrompu ; peut-être il eût été plus philosophique de chercher comment il l’est devenu, puisque c’est le seul moyen d’apprendre ce qui pourrait le corriger. Mais Pascal attendait tout de la religion, et il ne voulait que bien convaincre les hommes de leur faiblesse, et surtout la leur faire fortement sentir. Selon Pascal, l’homme est tellement soumis à l’empire de l’habitude, que ce qu’on nomme nature n’est peut-être qu’une première coutume.

L’homme est faible et vain à la fois, parce que sa faiblesse lui faisant éprouver à chaque instant le besoin qu’il a des autres, il veut leur donner une opinion de sa force : toutes les folies, toutes les in-