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ÉLOGE DE PASCAL.


faite [1] sur les figures que Pascal avait construites, on verra [2] qu’il n’y a plus de prodige.

Qu’on juge des sentiments que dut éprouver à cette vue un père sensible, qui préférait les mathématiques à toutes les autres sciences, et qui voyait le seul objet de ses soins donner une preuve si certaine de sa passion pour les sciences de combinaison, et d’une sagacité singulière. Dès ce moment, l’étude des mathématiques lui fut permise ; et il y fit des progrès si rapides, que quatre ans après il composa un traité des sections coniques assez supérieur à son âge, pour qu’on crût cet ouvrage digne de la curiosité de Descartes. On mandait à cet homme illustre que plusieurs propositions étaient mieux démontrées que dans Apollonius. Descartes, qui prétendait avec raison que de nouvelles questions demandaient une analyse nouvelle, et qui aurait voulu hâter la révolution qu’elle devait opérer, vit, avec peine, qu’on attachait en France quelque

  1. Un enfant qui serait parvenu de lui-même à faire des multiplications de nombres composés, ne l’aurait pu sans faire, pour chaque exemple, des raisonnements qui, étant généralisés, donneraient les règles de la multiplication algébrique. Cependant, on ne pourrait pas dire qu’il eût inventé ces règles. De même Pascal apercevait, sur la figure qu’il avait construite, la vérité de la trente-deuxième proposition d’Euclide, sans avoir une démonstration générale de cette proposition.
  2. N’est-ce pas trop dire ? Un génie aussi singulier que Pascal, n’est-ce pas lui-même un prodige ? D’ailleurs, l’auteur de l’éloge, qui paraît très-familiarisé avec les idées de la géométrie, n’est peut-être pas assez étonné qu’un enfant soit parvenu sans secours à acquérir ces idées.