Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/588

Cette page a été validée par deux contributeurs.
576
PRÉFACE.

Quant à l’opinion, qu’il est impossible d’établir sur la raison seule une morale solide, il est clair que, si elle est fondée, la croyance d’une révélation devient nécessaire au genre humain, et que l’utilité temporelle des religions en est une conséquence incontestable.

On sait que M. de Voltaire a examiné quelques-unes des pensées de Pascal. J’espère que cet homme illustre me pardonnera d’avoir joint ses réflexions aux pensées critiquées par lui, et que j’ai cru devoir conserver. M. de Voltaire est le premier qui ait osé dire que tout ce que Pascal avait écrit n’était pas sublime ; on l’a accusé d’envie, et on a fini par convenir qu’il avait raison. Le sort de ce grand homme a été de devancer son siècle sur tous les points, et de forcer son siècle à le suivre.

Pascal a prétendu que, pourvu que la religion chrétienne ne fût pas impossible, il fallait la croire, et se conduire comme si elle était vraie, parce qu’il y avait peu à gagner, et beaucoup à risquer en ne la croyant pas. Il s’ensuivrait de cet argument que, s’il se trouvait sur la terre cinq ou six religions, qui toutes menaceraient les non-conformistes de peines éternelles,