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PRÉFACE.

unes, que des motifs particuliers avaient engagé les éditeurs à retrancher dans la première édition. On a trouvé dans les manuscrits de l’abbé

    cal, et même à la religion, puissent regretter beaucoup qu’on ait supprimé les pensées suivantes :

    « L’Ancien Testament contenait les figures de la joie future, et le Nouveau contient les moyens d’y arriver. Les figures étaient de joie, les moyens sont de pénitence. Et néanmoins l’agneau pascal était mangé avec des laitues sauvages, cum amaritudinibus, pour marquer toujours qu’on ne pouvait trouver la joie que par l’amertume.

    « Tout ce qui est au monde est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie. Libido sentiendi, libido sciendi, libido dominandi. Malheureuse la terre de malédiction, que ces trois fleuves de feu embrasent, plutôt qu’ils n’arrosent ! Heureux ceux qui, étant sur ces fleuves, n’ont pas plongé, n’ont pas été entraînés, mais immobilement affermis ; non pas debout, mais assis dans une assiette basse et sûre, dont ils ne se relèvent jamais avant la lumière, mais après s’y être reposés en paix, tendent la main à celui qui les doit relever, pour les faire tenir debout et fermes dans les porches de la sainte Jérusalem, où ils n’auront plus à craindre les attaques de l’orgueil, et qui pleurent cependant, non pas de voir écouler toutes choses périssables, mais dans le souvenir de leur chère patrie, de la Jérusalem céleste, après laquelle ils soupirent sans cesse dans la longueur de leur exil !

    « La charité n’est pas un précepte figuratif. Dire que Jésus-Christ, qui est venu ôter les figures pour mettre la vérité, ne soit venu que pour mettre la figure de la charité, et pour en ôter la réalité qui était auparavant, cela est horrible.

    « La distance infinie des corps aux esprits, figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité ; car elle est surnaturelle.

    « Les faiblesses les plus apparentes sont des forces à ceux qui