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PRÉFACE.

vie que tout ce qu’il avait fait d’indigne de lui[1].

Ces puérilités ne sont pas le seul tort que le

  1. Voici ce qu’on trouve dans la vie de Pascal, par madame Perrier :

    Un régent de philosophie s’occupe gravement de rechercher avec quelle matière le corps de Jésus-Christ a été formé. Pascal imagine que l’opinion de ce professeur est hérétique, le dénonce et le force de se rétracter.

    On voit ensuite Pascal se revêtir d’une ceinture de fer, armée de clous, et il a soin de se l’enfoncer dans la chair lorsqu’il se surprend avoir quelque plaisir. Il craignait surtout de trouver bon ce qu’il mangeait, et il tâchait d’appliquer son esprit de manière à ne recevoir jamais de sensations agréables.

    Si madame Perrier disait qu’elle avait vu une jolie femme, Pascal se fâchait, et prétendait qu’il ne fallait pas tenir ces discours devant des laquais ou des jeunes gens, parce qu’on ne sait pas quelles pensées cela peut leur faire naître. Madame Perrier se donne beaucoup de peine pour prouver que Pascal était chaste ; comme s’il lui eût été possible de ne pas l’être : et une de ses preuves, c’est que peu de temps avant sa mort, Pascal rencontra une jeune fille, aimable et malheureuse, et qu’il respecta sa beauté et sa misère. C’est ainsi que depuis deux mille ans, aucun rhéteur n’a manqué de louer Cyrus et Scipion de n’avoir pas violé leurs prisonnières.

    Pascal était parvenu au point de perfection de n’aimer personne, et il ne voulait point qu’on l’aimât. C’est une faute, disait-il, plus grande qu’on ne croit, que d’aimer un autre homme, ou de souffrir qu’on en soit aimé. C’est faire à Dieu un larcin de la chose du monde qui lui est la plus précieuse. Il avait, dit-on, autant d’éloignement pour faire la guerre civile que pour voler sur les grands chemins, ou assassiner le monde ; et l’on assure que de tous les péchés, la guerre civile était celui dont il était le moins tenté.