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ÉLOGE DE L'HÔPITAL.


peut se faire entendre sauront profiter de ses vices. S’il favorise une corruption de mœurs utile à ses desseins, on louera sa politique ; s’il n’agit que d’après les circonstances et ses intérêts, on louera sa souplesse et ses ressources ; plus il fera de mal au peuple, plus on exaltera sa bienfaisance : la voix des citoyens honnêtes sera étouffée par ce concert d’admiration.

Mais l’un et l’autre sont-ils renversés par ces intrigues qui, heureusement pour les nations, n’épargnent pas les ministres corrompus plus que les ministres vertueux, la disgrâce les met tous deux à leur place.

L’un a perdu tous ses flatteurs ; à peine quelques complaisants subalternes, qui n’existaient que par lui, se chargent de le soulager du poids du temps. Incapable de tout, hors du mal public dont il ne lui est plus permis de s’occuper ; étranger à tous les sentiments, hors celui de l’ambition ; sans occupation comme sans attachement ; déchiré par le regret d’avoir perdu sa puissance ; tourmenté par le remords, qui dans tous les hommes lui montre des ennemis, parce qu’il a fait du mal à tous les hommes, il ne lui reste qu’un orgueil que personne ne daigne plus flatter, et des mépris qu’il n’a plus le pouvoir de punir.

L’autre a conservé ses amis : tous les sentiments qu’une passion plus énergique et plus profonde avait comme suspendus, reviennent remplir son âme et la consoler ; il retourne à des études qu’il n’avait pu sacrifier qu’au bonheur public ; chaque homme qu’il