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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


dans mon temps a été fait pour le bonheur du peuple, a été mon ouvrage.


L’Hôpital dans la retraite.


Ce n’est que dans la disgrâce et dans la retraite qu’on peut juger l’homme d’État. Tant qu’il est en place, obligé, s’il est coupable, de masquer d’un voile hypocrite ses déprédations, et de couvrir d’un motif honnête des lois qui préparent le malheur public ; forcé, s’il est vertueux, de dérober aux ennemis du peuple les sages motifs de ses opérations, et de cacher comme un crime l’étendue de ses projets bienfaisants ; célébré, s’il veut le mal, par la foule des hommes corrompus, et presque dispensé de tenir à ses gages des orateurs et des poètes, ayant, s’il veut faire le bien, autant d’ennemis que les abus nourrissent de gens avides, l’homme vertueux voit sa fermeté passer pour l’amour du pouvoir, son zèle de la justice pour un esprit de vengeance : on traitera de trahison contre le prince, son courage pour défendre la liberté des citoyens ; on traitera sa tolérance, d’irréligion ; ses grandes vues, d’esprit de système ; son humanité et son amour du peuple, de philosophie romanesque. S’il n’a pas voulu s’abaisser à employer d’autres armes que ses talents et ses vertus, il sera maladroit ; s’il a dédaigné de ménager les hommes corrompus, on lui reprochera de ne pas connaître les hommes.

Le ministre coupable, au contraire, verra tous ses vices érigés en vertus, parce que ceux dont la voix