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ÉLOGE DE L'HÔPITAL.


de ses juges pour remettre sa vie entre leurs mains. Il déclara que le bien des contumaces, leurs charges, leurs droits ne pourraient être confisqués que cinq ans après leur condamnation ; et il frustra l’avidité des courtisans, qui s’empressaient à multiplier les accusations pour envahir le bien des accusés.

Il est incertain qu’un accusé soit coupable, et il est sûr qu’il est malheureux. La prison, où la sûreté publique exige quelquefois que l’on traîne un innocent, ne doit pas être un supplice. On n’a droit de faire éprouver à un coupable même que la peine infligée par la loi, et il ne peut être juste de le soumettre à aucune autre peine. Les prisons doivent donc être saines, et telles, en un mot, que la perte de la liberté soit le seul mal qu’on y éprouve. L’Hôpital ordonna que jamais elles ne fussent au-dessous du rez-de-chaussée : il eût fait disparaître de la France ces cachots malsains, où l’innocent et le coupable sont exposés aux mêmes dangers, et que l’avarice et le mépris pour le peuple ont multipliés bien plutôt que le besoin de la sûreté publique ; ces cachots qui prouvent si puissamment qu’il existe une classe avilie et opprimée, et une autre classe qui a fait les lois et qui se croit à l’abri de leur justice.

Enfin, l’Hôpital mit des bornes à la profusion des lettres de grâce, qui, cessant d’être un acte de clémence lorsqu’elles pardonnent au puissant qui a opprimé le faible, n’étaient devenues qu’un moyen d’assurer l’impunité à quiconque avait du crédit, de l’intrigue, de l’or et des patrons.