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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


servir des projets ambitieux, dont on ne daigne pas même vous confier le secret. »

L’Hôpital s’éleva contre l’amour effréné des richesses, qui portait les uns à rechercher les épices avec une avidité déshonorante, les autres à s’intéresser secrètement dans le commerce et dans les affaires, et à donner par là des protecteurs cachés et puissants au monopole et aux vexations.

Il réprima ceux qui abusaient de leur puissance et de l’impunité que leur assurait l’esprit de corps, pour perdre ou effrayer leurs ennemis, envahir des successions, séduire des héritières ; il voulut détruire cet esprit de brigandage, qui, des autres corps de l’État, avait pénétré jusque dans la magistrature, où il était d’autant plus scandaleux, que le mal venait de ceux même dont le devoir était de le réprimer.

Les haines religieuses, l’esprit de faction, avaient introduit dans les tribunaux une partialité révoltante : on était innocent ou coupable, on était privé de son bien ou enrichi du bien d’autrui, selon qu’on était du parti de la maison de Guise ou de celui du prince de Condé, qu’on suivait les dogmes de Calvin ou ceux des catholiques. L’Hôpital remontrait sans cesse aux magistrats qu’il fallait juger l’homme et le droit, et non le parti ou la croyance ; et cette maxime si simple avait peine alors à être entendue.

Enfin, la faiblesse d’une régente, et la faiblesse plus dangereuse de deux jeunes rois, avait fait naître dans les tribunaux des idées d’un pouvoir que la loi ne leur avait pas donné. Les ordonnances res-