Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/551

Cette page n’a pas encore été corrigée
539
ÉLOGE DE L’HÔPITAL.

Comme le génie, si puissant lorsqu’il soutient la cause de la raison et de l’humanité, perd toutes ses forces lorsqu’il a le malheur de la combattre !

Combien, au contraire, les raisons qui proscrivent l’usage de la vénalité sont-elles simples, faites pour être saisies partons les esprits, pour parler au cœur de tous les hommes, signe presque certain pour reconnaître, en politique comme en morale, les vérités vraiment utiles !

La vénalité des charges les rend bientôt héréditaires ; les tribunaux se remplissent d’hommes ignorants et vains, qui dédaignent l’étude et l’abandonnent à ceux qui ont leur fortune à faire : la vénalité ferme l’entrée de la magistrature et à la noblesse pauvre, et aux jurisconsultes qui n’ont, pour y prétendre, que leurs talents ou la connaissance approfondie des lois : elle détruit toute émulation ; il ne suffit plus de mériter les premières places, il faut être assez riche pour les acheter.

Les hommes nés dans les tribunaux, et ceux qui, venus d’ailleurs, veulent s’y faire pardonner une origine étrangère, y entretiennent, y renforcent même l’esprit de corps, cet esprit si puissant sur les têtes faibles, sur les petites âmes, sur les hommes corrompus, sur tous ceux qui ne peuvent avoir ni opinion, ni force qui leur appartiennent, sur ceux qui cherchent un prétexte pour couvrir leurs vues intéressées, ou dont les vices ont besoin d’appui : cet esprit de corps, toujours séparé des intérêts de la nation, devient plus dangereux encore dans une classe d’hommes dont le premier mérite devrait être