représenter la nation, puisqu’elle ne les avait pas
choisis ; nommés par la cour, appelés pour l’aider de
leurs conseils et raffermir sa puissance chancelante,
ils n’avaient ni la force ni le droit d’opposer des
barrières au pouvoir arbitraire. On fit à l’Hôpital un
reproche de cette innovation, qui paraissait une
atteinte portée aux privilèges de la nation, un attentat
contre ses droits. Mais les états généraux, plus
tumultueux, plus difficiles à rassembler, plus lents
dans leurs opérations, plus redoutés des courtisans,
auraient-ils été plus utiles ? Ces états, qui ont succédé
aux assemblées anciennes de la nation, avaient, dès
leur origine, accordé des impôts perpétuels ; ils
avaient même, en se réservant le droit de statuer sur
les impôts ou territoriaux ou personnels, laissé une
liberté entière de faire valoir les privilèges exclusifs,
ou d’imposer des droits pour les consommations.
Ainsi, les impôts qu’une perception sans frais, une
répartition proportionnée à la richesse des contribuables
peut rendre justes, du moins lorsqu’ils sont
nécessaires, ces impôts étaient précisément les seuls
que le prince ne pouvait établir ; et l’art de déguiser
les impôts, c’est-à-dire de les rendre plus onéreux
et plus injustes, était devenu la politique de la
cour. Cet art fut bientôt perfectionné ; et dès lors
les états, inutiles à l’autorité, à laquelle même ils
faisaient ombrage, ne furent plus convoqués que
dans des temps de minorité ou de désastre : leurs
demandes étaient alors écoutées ; mais à peine le
danger était-il passé, à peine le prince devenait-il
majeur, que tout ce qui avait été réglé aux états était
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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.